David Heurtel l'ex-ministre de l'environnement québécois Libéral dans l'eau bouillante.
À l'ancienne usine d'Aleris Aluminium Canada, à Trois-Rivières, plus de 24 000 litres d'hydrocarbures se sont infiltrés dans l'eau souterraine au fil des ans.
Difficile de savoir qui devra payer la décontamination pour le moment, mais le gouvernement lui-même serait en partie responsable de ce désastre, par l'intermédiaire de l'ancienne Société générale de financement.
En 2010, la SGF a refusé de contribuer au nettoyage, selon plusieurs documents confidentiels.
Pendant neuf ans, l'institution financière provinciale a été partenaire des entreprises qui ont exploité l'usine de laminage d'aluminium : l'américaine Reynolds (rachetée par Alcoa), puis la britannique Corus plc. La part de la SGF dans la société en commandite atteignait 50 % de 1997 à 2000, puis 40 % jusqu'en 2006, quand l'américaine Aleris l'a rachetée.
La société d'État a fait cet investissement alors que Claude Blanchet, le mari de la première ministre de l'époque, venait d'en être nommé PDG.
Aujourd'hui intégrée à Investissement Québec, la SGF a reconnu sa responsabilité lors de la cession de la société de laminage à Aleris International inc., en 2006. Selon une clause du contrat de vente, le passif de la société d'État pouvait atteindre 60 millions d'euros en dommages environnementaux, connus et inconnus, soit plus de 90 millions de dollars en 2014.
À l'époque de la vente, le partenaire de la SGF était la britannique Corus qui, de son côté, se reconnaissait une responsabilité pouvant atteindre 405 M$, soit plus de 615 M$.
Pourtant, les deux sociétés ont refusé net de participer à la décontamination du site en 2010, pendant les procédures de faillite d'Aleris Canada.
Pourquoi?
Le propriétaire actuel Timothy Martinez a voulu réclamer des sommes aux anciens maîtres des lieux en vertu des clauses au contrat de vente.
Pas question, a répondu l'avocat de Corus et de la SGF.
«Les indemnités prévues étaient destinées à Aleris International, inc. en tant que garant» et «les indemnités ne peuvent être réclamées» par une autre entité, affirme une lettre confidentielle du bureau Fraser Milner Casgrain au syndic Richter.
L'homme d'affaires américain - qui a racheté le terrain et les immeubles pour 13,585,000 $ en 2009 - assure que ce refus viendrait miner toute possibilité de décontamination.
Investissement Québec n'a pas changé d'avis. «Le prix de la transaction avec Aleris International reflétait l'état de l'usine et du terrain. Lors de cette transaction, la SGF a essuyé des pertes de 30 M$», a écrit à l'époque la porte-parole Chantal Corbeil dans un courriel.
Elle ajoute que la société d'État «n'a pas reçu de demande du MDDEFP» pour participer financièrement à la décontamination.
Aleris International, signataire de la transaction de 2006, a depuis été avalée par Novalis qui rapportait pour le premier trimestre de 2021 des revenus net de 209 Millions en hausse de 82%.
«Novelis a réalisé une performance financière record au troisième trimestre grâce à la demande continue de solutions d'aluminium innovantes et durables et à des performances opérationnelles exceptionnelles dans l'ensemble de nos activités en expansion», a déclaré Steve Fisher, président et chef de la direction de Novelis Inc.
Le rôle d'un géant de l'aluminium comme l'américaine Alcoa, qui faisait à l'époque pression sur le gouvernement afin d'obtenir de meilleurs tarifs d'électricité pour ses trois alumineries du Québec, a aussi reconnu sa part de responsabilité dans la contamination.
En 2000, la multinationale a avalé sa rivale Reynolds, qui était partenaire à 50 % de la SGF dans l'usine du Cap-de-la-Madeleine.
Quand Alcoa a vendu ses parts de la société en commandite à Corus en 2000, l'entreprise a accepté de financer une partie de la décontamination.
En 2002, des experts ont visité le site pour Alcoa. Leur rapport évalue les responsabilités environnementales de l'entreprise à 75 % des zones de contamination caractérisées à l'époque. Le document ne concerne cependant que le pétrole qui flotte au-dessus de la nappe phréatique, et non l'ensemble des eaux contaminées aux hydrocarbures.
L'entreprise se reconnaît cependant majoritairement responsable d'une accumulation de 24 000 litres au-dessus de la nappe phréatique.
Interrogée, Alcoa Canada inc. assure qu'elle a décontaminé les zones polluées sous son règne. «En 2009, l'entreprise a complété tous les travaux de réhabilitation liés aux impacts environnementaux causés par ses activités», assure un courriel de la direction transmis par une porte-parole.
Le ministre du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs David Heurtel a multiplié les ordonnances contre Tim Martinez, propriétaire actuel du terrain, et son démolisseur, Recyclage Arctic Béluga, de Shawinigan. Mais jusqu'ici, le MDDEFP n'a pas sollicité les anciens exploitants de l'usine, comme le lui permet pourtant la Loi sur la qualité de l'environnement et la jurisprudence.
Pourquoi???
L'ex-ministre David Heurtel, aujourd'hui avocat-conseil chez Fasken, aurait pu éviter d'en arriver là.
«Pour ce qui est de la suite des choses, le MDDEFP n'exclut aucun recours contre les propriétaires actuels ou antérieurs ou les responsables de la contamination pour obtenir la réhabilitation du terrain», mentionnait à l'époque Geneviève Tardy, conseillère politique au cabinet du ministre en matière de sites contaminés.
Même écho récemment du côté de Sophie Gauthier, porte-parole du ministère de l’Environnement.: «Le Ministère poursuit la prise en charge de la suite des travaux sur le site de l’ancienne usine d’Aleris. Il n’exclut aucune action ni aucun recours permettant de se faire rembourser les sommes investies ou à venir, notamment pour les travaux de réhabilitation».
Avocat en droit de l'environnement chez Sheahan et associés, Paul Granda a confirmé déjà que le gouvernement peut envoyer une facture aux anciens propriétaires d'un site. «La Loi sur la qualité de l'environnement permet au ministre d'émettre une ordonnance contre toute personne ou personne morale ayant émis un contaminant dans l'environnement, même si le terrain où a eu lieu l'infraction ne lui appartient plus», assure-t-il.
C'est précisément ce que voudrait le propriétaire actuel du site, Timothy Martinez.
Alcoa dit avoir éliminé les hydrocarbures flottant sur la nappe phréatique, mais il se demande comment l'entreprise a pu nettoyer le sol contaminé sous les bâtiments avant leur destruction... L'homme d'affaires reste sceptique et voulait à l'époque l'aide des anciens propriétaires pour décontaminer : Aleris, Alcoa, Corus (aujourd'hui Tata Steel) et Investissement Québec.
«J'ai eu beaucoup de négociations, particulièrement avec le gouvernement, dit-il. Je ne croyais pas que Québec ne tiendrait pas des multinationales responsables de la pollution survenue durant les périodes où elles détenaient les installations.»
Mystérieusement, l'histoire nous aura appris par ailleurs, qu'il n'a jamais eu l'oreille du ministre Heurtel
Pourquoi?
Aura-t-il plus son attention aujourd'hui?
À l'époque, ses fonctionnaires avaient plutôt retiré à Timothy Martinez le contrôle du site et commandé une enquête pénale sur ses agissements dans ce dossier.
Québec a mené une enquête pénale sur le propriétaire des anciens terrains d'Aleris Canada et son démolisseur, Recyclage Arctic Béluga, de Shawinigan.
Le gouvernement voudrait se faire rembourser le nettoyage de 2 000 litres de liquides contaminés aux BPC répandus sur le site, la sécurisation des déchets dangereux et le redémarrage du système de récupération des hydrocarbures.
En 2016, malgré que le site était sous le contrôle de Québec, un journaliste avait tout de même pu pénétrer sur le site pour constater les dommages.
Au centre du terrain, un bâtiment condamné par trois blocs de béton. C'est là qu'étaient notamment entreposés des milliers de litres de BPC, de vieux transformateurs et des débris contaminés, ainsi que des ampoules au mercure.
Le tout à la portée des vandales, selon une ordonnance du ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP), qui a lui-même pris les travaux en mains en 2013.
Des amas de ferraille provenant d'équipements électriques jonchent le sol. Le même journaliste a aussi pu constater la présence de plusieurs transformateurs au centre d'un cerne noir d'huile dans le gravier.
La destruction partielle des grands hangars laisse voir les entrailles de l'ancienne usine de laminage. Toutes les fenêtres des bâtiments ont volé en éclats au gré des multiples intrusions sur le site. Les voleurs de cuivre s'en sont donné à coeur joie.
En achetant ce site, l'homme d'affaires Timothy Martinez dit avoir «pris un risque calculé».
En 2010, il voulait carrément redémarrer l'usine pour l'exploiter avec son autre installation du Wisconsin. Le projet a cependant avorté après un conflit avec ses anciens partenaires.
En 2009, le démolisseur Recyclage Arctic Béluga a commencé les travaux de démolition. Mais le MDDEFP les a interrompus en février 2012 après avoir constaté des manquements à la Loi sur la qualité de l'environnement, a expliqué le Ministère.
En déplaçant un vieux transformateur dans l'ancienne usine, Béluga a notamment provoqué l'écoulement de 2 000 litres de liquides contaminés aux BPC. Les pompes qui doivent éliminer le pétrole infiltré dans la nappe phréatique ont cessé de fonctionner, et des intrus ont facilement pu pénétrer sur le site et le vandaliser, malgré la présence de matières dangereuses.
Aujourd'hui, Tim Martinez et sa Corporation de développement TR poursuivent Béluga, notamment pour un incendie que l'entreprise a provoqué sur le site et la fuite de BPC.
Tim Martinez dit faire les frais de l'incurie de son démolisseur et être la «victime innocente de la pollution de grosses entreprises comme Alcoa».
Le site de l'ancienne usine d'Aleris à Trois-Rivières, dans le secteur du Cap-de-la-Madeleine, serait maintenant théoriquement toujours sous le contrôle du gouvernement.
Les responsables de la contamination de la nappe phréatique au pétrole sont les anciens propriétaires industriels : Aleris, Corus (Tata Steel), Alcoa et... la SGF, aujourd'hui intégrée à Investissement Québec.
En achetant le site pour en 2009, l'entrepreneur Timothy Martinez voulait d'abord relancer la production de l'usine d'Aleris. Son projet a cependant avorté.
Aujourd'hui, il souhaite promouvoir le développement de son terrain avec une réflexion citoyenne qui tient compte de la culture, de la situation actuelle et des générations futures.
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